La traduction dite automatique, réalisée sans intervention humaine directe et dont la qualité moyenne ne cesse d’augmenter, est encore souvent mal considérée. Non seulement les machines ne nous ressemblent pas, mais elles ne pensent pas ; comment pourraient-elles traduire ? Et pourtant, elles traduisent, bien qu’automatiser et penser soient souvent perçus comme des concepts antinomiques.Or il se fait que diverses formes de systématisation, d’automatisation de la pensée - de la pensée appliquée au langage - étaient déjà à l’œuvre bien avant le XXe siècle. Kircher, Wilkins, Leibniz et d’autres cherchaient une forme d’harmonie universelle, souvent liée d’une manière ou d’une autre à la réparation de la « catastrophe » babélienne, que ce soit grâce à une langue qui suppléerait aux défauts des autres ou au travers de mécanismes de traduction accessibles à tout le monde. Et ils le faisaient par des procédés qui évoquent parfois clairement certains aspects de la traduction automatique actuelle, rendue possible notamment par les travaux pionniers d’Alan Turing sur le concept d’automaticité. Il y a donc lieu de revoir certains de nos préjugés et de renoncer aux certitudes confortables et caduques.